"Existence is essentially an openness to perceiving whatever enters the realm of this openness, shines forth within it, and so comes to be present as a being with its own meaningfulness."
Dr. Medard Boss
Toute formation questionne en profondeur les fondements de ce qu’il s’agit de former, en l’occurrence, la Daseinsanalyse. Former ! Est-ce bien la démarche adéquate ? La Daseinsanalyse inscrit le clinicien dans un savoir rigoureux et difficile auquel elle ne se réduit pas pour autant. Au-delà du savoir, de la connaissance, au-delà de la transformation de l’éprouvé, il y a l’essentiel : le cheminement du déploiement de notre être-homme.
Le parcours du Daseinsanalyste est sans fin et « oeuvrant ». Il prend sa source dans cette intuition que l’homme est traversé par « un je ne sais quoi » qui le dépasse et l’excède, que l’homme à l’écoute de cet appel silencieux peut se dépasser dans son être-au vers le monde ; cette intuition convoque une méthode qui lui permet de se déployer au plus proche de la chose elle-même : la phénoménologie ; le phénomène essentiel relevant de l’inapparent (au sein de l'immanence) ou du voilé, il exige une dimension herméneutique ; enfin, phénoménologue-herméneute, le psychologue ou le psychiatre cheminera toute sa vie « cette analyse des dimensions suivant lesquelles un homme existe » : la Daseinsanalyse.
Lorsque Heidegger écrit " Être et Temps" en 1927, il ne l'écrit pas à l'attention des "psy". Les philosophes, eux-mêmes, éprouvent des difficultés à le comprendre. C'est une oeuvre phare, bouleversante, une remise en question fondamentale du socle immuable de la pensée moderne occidentale. Sa perspective est encore inaccessible pour le "psy" tant le style et la profondeur de la pensée relèvent d'une maturité de cheminement philosophique. Cent quarante ans plus tôt, dans la pittoresque ville de Köningsberg, s'écrivait un autre tournant de la philosophie, les critiques de Kant. Première pensée émergeant de l'avènement des sciences où le monde n'est plus harmonieusement orchestré par un Dieu auquel il faut s'accorder mais un monde où règnent le chaos, l'entropie, souvent hostile aux nécessités humaines. Ce n'est plus Dieu aux commandes des mannettes mais l'homme. C'est à l'homme de prendre le contrôle de la nature, de l'assujettir à ses propres lois pour qu'elle puisse répondre à ses besoins. La réflexion kantienne va permettre de penser, à nouveau frais, le salut humain, de laisser émerger un nouveau sens de la vie. S'effondre aussi l'Absolu et apparaît inéluctablement la finitude humaine qui impose au grand philosophe un questionnement de la sensibilité, du corps ( le témoin et rappel de la finitude) ainsi que de l'espace et du temps où ce corps est situé. Heidegger reprendra bon nombre de ces grands thèmes mais les interrogera non plus à l'aune d'une science naissante et rapidement toute puissante mais, au contraire, à l'aune d'une critique de la technique, du règne du tout-calculable et de cette autre question mentionnée, oubliée de tout temps, celle de l'Être.
Illisible pour les "pys" mais non moins interpellante comme peut en témoigner le psychiatre-philosophe Binswanger qui intuitionne "Être et Temps" comme la réponse inespérée à son tourment, la lecture de la pensée heideggérienne traversée par la phénoménologie ouvrira au clinicien un horizon nouveau à partir duquel sa pratique sera bouleversée. Une impulsion est donnée qui jamais plus ne se démentira. Voilà 85 ans que des générations de "psy", à l'aube de leurs études ou au crépuscule de leur carrière, découvrent comme alternative ou complément à toute forme de psycho- ou pharmacothérapie la philosophie heidegérienne, la phénoménologie et les philosophes de l'existence.
Un premier travail de déconstruction s'avère indispensable. Déconstruction et non destruction. Il s'agira de pouvoir mettre entre parenthèses les grandes thèses et évidences du monde, voire même se mettre entre parenthèses soi-même ou du moins prendre conscience que celui qui observe, analyse, comprend, interprète est un être sensible, doué d'intuition, d'entendement et de jugement qui colore "la chose en-soi". Suivra un long cheminement qui mènera vers le "philosopher". Les philosophes philosophent rarement, soulignera Heidegger. Philosopher s'apparente à une manière d'être qui traduit dans une parole habitée le questionnement et le dévoilement de la chose vers ce qu'elle est d'essentielle, vers son être le plus propre tout en maintenant cette vigilance et conscience fondamentale que tout dire ne peut épuiser la donation de la chose et dès lors la circonscrire dans son ensemble : toujours rester ouvert à sa donation et en interroger la phénoménalisation.
En entrelaçant ce cheminement continu, ce bouleversement de la conscience aux connaissances psychiatriques, le clinicien transforme son rapport au monde, à la maladie et "au malade" qui devient ce qu'il a toujours été : un homme. Le temps est venu de reconstruire autrement, de tisser un sens nouveau de ce que veut dire "être un homme" et de s'intonner aux flexions de présence qui réduisent son ouverture.
Qu'apporte donc la Daseinsanalytik heideggérienne ou analyse fondamentale, ontologique du Dasein au champ de la psychothérapie ?
" L'étant que nous avons pour tâche d'analyser, nous le sommes à chaque fois nous-mêmes... L'être de cet étant est à chaque fois mien. Dans son être, cet étant se rapporte lui-même à son être. En tant qu'étant de cet être, il est remis à son propre être. C'est de son être même que, pour cet étant, il y va à chaque fois... : l'«essence » de cet étant réside dans son (avoir-) à-être. " Martin Heidegger
Ce sont ses premiers mots... les toutes premières idées proposées dans "Être et Temps". Elles paraissent déjà pour la plupart hermétiques. Le livre se referme. Il s'agira de le rouvrir inlassablement. Croyez-vous qu'un violoniste joue Paganini dès la première rencontre avec son instrument et qu'il s'y exerce seul ?
La Daseinsanalytik, l'analyse du Da-sein ou de cette ouverture à laquelle l'homme s'intonne pour s'ex-hausser de cette attitude inauthentique où il se prend pour une chose posée là dans le monde comme un fauteuil ou une pierre, la Daseinsanalytik ouvre nos consciences à la spécificité et singularité de notre mode d'être en tant qu'être-au-monde. Cette ouverture fondamentale propre à l'homme que d'aucuns appellent "ouvertude" est à distinguer du rapport de fermeture et d'ouverture que nous pouvons entretenir avec cette première. Nous sommes donc plus ou moins ouverts à cette ouvertude ou, autrement dit, plus ou moins en résonance avec notre capacité essentielle d'entrer en contact avec le monde. L'homme est le seul étant qui, ouvert originairement, peut déployer une présence d'être-ensemble.
Possibilité sous-tend impossibilité, im-pouvoir, impuissance, non-vouloir mais aussi ignorance, déni, refus, fuite,... Une grande partie de l'analyse préparatoire du Da-sein explicite toutes ces lignes de fuite qui éloignent l'homme de sa possibilité insigne d'advenir à son humanitude : le divertissement, l'affairement, le bavardage, la curiosité...
Au-delà d'une liberté de choix s'annonce une responsabilité au jour d'une prise de conscience.
Au-delà d'une analytique du Dasein, il s'agit d'une pensée... remarquable, d'un cheminement qui implique dès lors une marche, impliquant elle-même, une traversée, un déséquilibre se rééquilibrant pour re-déséquilibrer... Heidegger convoque le clinicien non plus au savoir, au transfert, au calculable, aux statistiques, aux catégories mais à la pensée et à la question... non seulement la question de l'Être mais aussi et plus spécifiquement à la question de la différence... la différence entre l'ontique et l'ontologique, l'étant et l'Être. Une pensée qui ne s'arrête pas au royaume de l'étant, à l'emprise des choses mais qui interroge notre possibilité d'homme la plus remarquable, celle de s'affranchir de la tyrannie de l'étant. Il n'y a plus un médecin, un thérapeute et un patient, un malade mais deux êtres humains, deux histoires qui se partagent, interagissent, voire se rencontrent. La psychothérapie recouvre son essence d'être-écoute et dès lors dévoile une ouverture et un cheminement mutuel. Elle s'est libérée du joug omni-potent d'une science qui croit tout savoir et tout régler à coup de "technique et stratégie".
Ainsi au fil et dans l'écart de cette Daseinsanalytik heideggérienne et des contributions cliniques s'esquisse une Daseinsanalyse. Cette orientation clinique n'est pas une panacée et n'est pas adressée à tous. Elle n'est pas fondamentalement une thérapie mais une analyse. Elle ne soigne pas un symptôme mais interroge, chemine tant la vie du patient que celle de l'analyste, la manière dont ils donnent sens au monde, le comment ils se frayent une voie. La Daseinsanalyse est l'analyse de cette histoire intérieure de la vie, de cette écoute qui permet de comprendre le signe qui ne renvoie pas à une anecdote mais à un changement de destin ; la Daseinsanalyse est ce rythme nouveau d'activité plus proche d'une méditation qui permet une écoute plus vibratoire, plus résonante d'avec ces petits riens qui créent l'évènement de la vie. Harmoniser notre ouverture-fermeture à l'Ouvert, au possible.
Affiliée à la Fédération Internationale de Daseinsanalyse, et par elle, à l'Association Européenne de psychothérapie (EAP), notre formation se doit de s'aligner sur les exigences minimales d'une formation accréditée et certifiée par ces deux instances. Nous avons donc décidé pour cette quatrième promotion de vous proposer, durant le premier module de quatre années, seize séjours résidentiels de trois jours, et quatre de quatre jours soit un total de 640 heures de formation (100h de plus que pour la promotion III, réparties sur une année de plus). L'agenda est fixé un année à l'avance, ce qui permet de vous organiser. Veuillez consulter les dates ci-dessous.
Au terme de ces quatre années de formation, les cliniciens qui ont déjà répondu aux exigences des stages ( les psychiatres et les psychologues répondent par leurs études à ces exigences) pourront entamer le deuxième module de formation entièrement consacré à la supervision. Il commencera par un w.e. de supervision collective. Vous aurez ensuite deux années pour vous faire superviser 450 h de pratique thérapeutique par un Daseinsanalyste reconnu par la Fédération Internationale ( minimum de 130 séances réparties sur deux ans. Un deuxième we de supervision collective sera programmé en fin de première année et un troisième we clôturera ce deuxième module. Un entretien individuel avec Ado Huygens précédera la journée de certification. Sont aussi exigées 250 heures d'analyse personnelle. Ces chiffres sont les quora demandés par la fédération alignés sur ceux de l'EAP. Nous restons bien évidemment proche de la réalité et prenons en considération tout parcours individuel plus atypique.la certification sera effective lors de la publication dans une revue ou magazine scientifique de l'article qui synthétise votre travail de fin de formation. Les précédentes promotions devront également s'aligner sur ces nouvelles exigences.
Dans la mesure où toute consultation thérapeutique est une rencontre que la Daseinsanalyse qualifie même « d’engagement existential », le cheminement existentiel de son existentialité devient pour le psychothérapeute ou l'analyste tout aussi important que son savoir.
Un des premiers fondements de la psychothérapie est la qualité de l’accueil proposé aux patients. Les séjours résidentiels permettront un travail d’implication plus personnelle et l’ouverture d’un espace de questionnement, d’écoute, de remise en question, de brassage de connaissances, de vécus, d’espérances, d’idéaux et … de désillusions.
Ce sera aussi au sein de ce cheminement personnel que nous vous proposerons une réflexion centrée sur l’art, sur sa place et sa fonction dans l’avènement humain et dans la psychothérapie.
Il est tout aussi primordial de prendre conscience que cette orientation philosophico-clinique implique, sous-tend une formation continue puisqu'elle n'implique pas une quantité de connaissance mais un cheminement, une ouverture, une compréhension intonnée qu'"il y va en notre être de cet être".
« L’analyste existentiel comme psychothérapeute ne doit pas seulement disposer d’une compréhension de la chose, ou compétence étendue englobant aussi bien
l’analyse existentielle que la psychothérapie, mais aussi, dans la lutte pour la liberté du partenaire dans
l’être-présent, oser la mise en jeu de sa propre existence. »
Dr. Ludwig Binswanger
""La clairière de l'Être" dans l'analytique du Dasein est comprise comme le "monde", et l'ek-sistence se tient en-dehors de sa stance dans cette clairière en tant qu"ouverture-au-monde"
Pr.Dr.Gion Condrau
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