Séminaire d’été
du Centre et de
l’Ecole Belge de Daseinsanalyse
Phénoménologie clinique – Daseinsanalyse - Exister : un
art de vivre
Abbaye Notre
Dame de Scourmont 2011
« L’homme
est le seul étant vivant
pour
lequel la vie n’est pas une fin en soi »
Ado
J’avais programmé ce premier séminaire d’été d’une manière
plutôt sceptique. Que pouvais-je apporter en une seule période de cinq jours à
un groupe, de surcroît, hétérogène : des informations, une connaissance superficielle,
des bribes de savoir ?
La surprise fut totale et instantanée.
Dès le premier jour, chaque membre s’impliqua en s’ouvrant à sa propre
fragilité sans jamais sombrer dans le pathos. Ce premier groupe se constitua de
15 personnes de tous horizons géographique (France, Angleterre, Suisse, Belgique)
et socio-professionnel (psychologue,
économiste, philosophe, psychanalyste, psychiatre, coach, Gestalt thérapeute,…)
de 18 à 60 ans.
Ces cinq jours furent d’une telle
intensité, un tel suspens du quotidien, à ce point métamorphogènes qu’il me
sembla essentiel de les partager. Ce partage n’est pas celui de mon
enseignement mais celui des impressions, des réponses, des sensations des
participants.
A l’instar d’un Winnicott, je me permets
de les remercier d’avoir pu grandir moi-même dans leur contrée. Je remercie
aussi l’Abbaye Notre Dame de Scourmont pour leur accueil, leur ouverture. Quel
espace ! … qui permet à la parole de sonner dans l’abri de l’Être.
ð Tout commença le mercredi 20 juillet 2011 par cette
question posée par Jean Beaufret « Où suis-je au juste, moi qui parle,
qui lis ou entends parler quand l’audition ou la vue d’un signe me met en
attente d’un sens ? »
S. : Dans le recul, dans l’espace et hors temps. Je
suis figé dans le signe.
L.: Si je suis à l’écoute, un lieu peut s’ouvrir en moi.
S’il y a ouverture, ce sens va se donner à moi. Disponibilité et Befindlichkeit.
P.: Pas de « où » tant qu’on ne s’est pas
soi-même situé. Il y a une double signification du sens. On ne peut pas trouver
le sens. Il faut le créer. Que signifie trouver du sens ?
S. : Suspension… retarder le moment où je me
précipite dans le sens. Temps d’arrêt. Zone mat dans mon estomac. Moment
d’entre-deux : pas encore le sens sans n’être plus dans le moment impacté.
D. : « Où » est en lien avec qui.
Important : la place que j’occupe pleinement et de ce plein, le sens qui
émerge de cela.
P. : Le problème n’est pas l’absence de sens. Attendre
quoi. Je suis « le là » de mon être. Sens : pas passif. Agir
sans être. Attendre du sens = problématique.
N. : Attendre du sens : trop plein de moi-même. Je
ne dois pas l’attendre. Il arrive à un moment inattendu. Il arrive qd je suis
partout, dans l’ouvert.
L. : En attente d’un sens. Où suis-je ? Vide, néant, rien. Question plus importante.
Comment je me sens ? Cela est aussi essentiel.
A.: Ce « où » n’est pas physique. C’est quoi ce
« où » ? Ce « Où » questionne ma manière d’être au
monde. Ce « où » me demande une rupture avec le quotidien. Création
d’un lieu, être en suspens… en devenir. Ce « où » est une quête
constante.
F. : Le comment j’attends le sens. Sentir. Être-là. Le
sens est inévitable.
M.: dans un monde où je suis donateur de sens parmi
d’autres.
JL : Moi… toujours emprisonné dans les filets du
moi… dans un monde dont le sens m’échappe.
G.: Quand je suis en attente de sens, je suis dans
l’Instant…, dans l’ouvert. Je suis dans « moi ». Je suis présent.
C’est toujours nouveau.
k
De ces réponses, j’invitai l’œuvre d’Henri
Maldiney à prendre la parole. La question du « Où » lui a toujours
semblé essentielle. Nous en vînmes à l’importance de la philosophie en général
en nos vies et de ce que nous connaissions de la phénoménologie. C’est ainsi
que je finis par demander à chaque participant
quel était le phénomène qui
occupait le plus ses pensées.
P. : Bien que je
sois jeune, il s’est déjà produit une évolution qui m’a mené de la
question de « l’Être » à celle du « néant ».
N. : Le lieu où les contraires se rencontrent ?
Ce que vous appelez la « la ligne de fracture ».
S. : Le chaos, le refus du changement… ou plutôt à vous
écouter, le désordre.
M. : L’écoute clinique.
A. : Le sens, le
vide, l’être-vers-la-mort.
S.: La finitude, l’encore impensable.
F.: L’invisible, l’indicible.
G.: La liberté irrationnelle, la capacité de choisir
librement la destruction, le destructif.
V. : La fragilité de l’évidence.
L. : L’angoisse
versus le lâcher-prise
L. : La mort en général et l’être-avec
D. : L’émergence
JL : Le sublime
Le mien serait certainement « L’intime ».
Je ne peux m’empêcher de ressentir une énergie
commune à nos réponses : La Mélancolie. En cette première journée, avant
d’aborder la dimension de « Dasein », se demander ce que signifiait
pour chacun Être soi.
Voici quelques réponses :
Un lieu, un corps,
conscience d’exister dans ce corps. Conscience de la séparation, le non soi.
S’arracher de la dictature du on, des conventions de la société, m’arracher de
mes servitudes volontaires.
Être capable d’être
dans la solitude et le silence sans pour autant m’isoler. Être capable d’être
dans le monde et avec les autres, pouvoir faire mes choix en fonction de mes
propres réalisations non influencés par ceux des autres.
S’arrêter de
s’adapter, retrouver un espace de silence en moi qui me fasse aller vers
l’autre et l’accueillir.
Le séminaire prenait son envol en
prenant appui sur des thèmes qui m’avaient semblé fondamentaux en le
préparant : l’Être, le corps, Dasein, l’authenticité, la liberté,
l’éthique… En guise de transition en milieu de séjour, une longue promenade de
trois heures à travers bois.
A chaque fois, avant d’aborder ces
thèmes, permettre aux participants de s’interroger eux-mêmes.
Voici quelques ouvertures à
méditer :
L. : La morale enferme, limite et l’éthique ouvre.
D. : La morale est à l’éthique, ce que l’étant est à
l’Être, la religion à Dieu, le chemin au cheminement.
N. : Ethique : pleine conscience du rapport à
autrui. Morale est politique.
S. : Ethique est une écoute active de soi et des
autres. Morale est une imposture.
JL : Trop réducteur. Le sujet est vaste et complexe.
La morale est universelle, elle se fonde sur l’idée du mal en acte, elle a un
caractère obligatoire, impératif catégorique, elle n’est pas à décider, elle
est imposée du dehors. Elle entraîne la culpabilité. L’éthique renverse la
morale. Elle est singulière. Elle se fonde sur l’idée du bien. Elle émerge du
dedans de la conscience. Elle suppose un choix, toujours en question. Elle est
à décider. Elle introduit la responsabilité. Questionnement troublant :
l’éthique doit-elle contenir la morale ? Peut-elle être amorale ou
immorale ?
P. : L’existence vient au jour dans la nuit du
monde.
S : L’Être : Ce qui donne de la transparence à
la viscosité opaque de la quotidienneté. Ce par quoi, je me mets en état de
poésie et qui fait que qd je tends vers la néantisation, j’écris ou plutôt cela
s’écrit tout seul. Et le rythme fait qu’il n’y a rien à changer.
G. : Être : d’abord un terme métaphysique avec
lequel je me confronte qui ne m’est pas familier, sujet à objectivation. Puis,
c’est une question. Je n’en ai pas la moindre idée. Cela est intéressant. Et
puis, sortant de l’être, pour penser l’Être. Cela devient alors un lieu
d’expérience, ce qui devient la dimension la plus intéressante.
L.: l’Être c’est ce qui me fait vibrer au-delà de
moi-même, ce que je crois reconnaître en l’autre qd selon moi il vibre par
l’Être.
F. : Je suis traversé par l’Être mais je n’ai pas la
capacité sémantique d’en parler. Dès que j’en parle, il n’est plus là. Ici et
nulle part, beau et angoissant.
JL. : Sensations paradoxales. Se présente à moi
comme le temps qui s’arrête, comme une fulgurance d’une densité et légèreté
extraordinaire… qui laisse place au néant.
P. : L’authenticité : un conditionnel : ce
serait le bonheur de pouvoir enfin être pleinement moi-même vis-à-vis d’autrui.
V. : L’authenticité : condition de l’existence.
Mode d’être au monde, une présence.
G. : L’authenticité :
1. Désespérément, vouloir être moi-même tout en me perdant moi-même dans
ce processus.
2. Inscrire
ma possibilité la plus propre dans le monde qui survient à partir d’un lieu qui
n’est pas moi : authenticité en tant qu’ouverture et non en tant
qu’intentionnalité.
A.: créer une ouverture où je pourrai agir, m’exprimer,
être mon être le plus propre. Être-au-monde à partir d’un où qui serait en
harmonie avec ce qui murmure au plus profond de mon corps et de mon esprit.
Pouvoir me perdre et me rencontrer.
S.: L’authenticité en clinique : Quand le sentir et
le pensé sont alignés. Quand une parole parlante et proférée crée de l’Ouvert
en moi.
D. : La liberté, c’est faire tout ce qu’il est
possible de faire dans la longueur de nos chaines, ce qui invite à reconsidérer
que notre liberté est en relation avec un espace de choix. La liberté convoque
la responsabilité.
G. : 1.
Liberté irrationnelle sans aucune détermination qui me mène vers le sans fond.
2. La liberté du bien dans son acception
la plus commune : contrôle des pulsions, orientée vers le bien, être
rationnel, agir en accord avec le bien.
3. Ces deux possibilités ne sont pas de
vraies libertés. Elles peuvent mener vers la «ligne de fracture » entre
ces deux premières possibilités.
L. : La liberté, c’est la manière d’être que
j’adopte, le choix du rapport que j’entretiens avec les conditions fondamentales
de mon existence. Est-ce que le suicide est un acte de liberté ?
Valérie : Elan irrationnel de possibilités qui me
donnent le vertige… Celle qui se confronte à autrui.
Nous avons beaucoup travaillé,
intensément. Trop pour certains, pas assez pour d’autres. J’ai donné chaque
jour la parole aux participants pour qu’ils puissent partager leurs vécus. Je
ne peux reprendre ici toutes les interventions (13 pages). J’ai dû faire un
choix, renoncer, élaguer…
S. : J’ai l’impression avoir vécu une semaine en une
journée.
N. : Je venais ici en espérant y vivre un tremplin
très intéressant. C’était comme une danse de la pensée.
L. : Dans ma vie, je m’ennuie la plupart du temps et
elle ne me satisfait pas complètement. Ici, je suis dans l’essentiel. C’est
très précieux.
S. : C’est très reposant qu’il n’y a pas de
bavardage
N. : Alors que je dansais hier avec les mots,
aujourd’hui, je nage à la terre des mots. Nager est plus difficile. La terre
est plus dense. Elle ne permet pas de bouger autant.
S.: globalement, à aucun moment, je n’ai souhaité ne pas
être-là. Ce n’est pas rien. Souvent je n’ai pas envie d’être-là où je suis.
V. : Soulagement. Pas tout à fait vrai. Quelque
chose s’est éclairée. Je me suis rendu compte de mon ignorance.
P. : Il s’est passé quelque chose. Le plus important
ce n’est pas les concepts… le surplus… cette idée de détachement affectif… chez
vous… m’a mis en colère contre vous et contre ce monde avec toutes ses guerres,
ses famines… J’ai essayé de faire une retraite méditative pendant lesquelles
j’ai essayé de faire le vide pour recevoir… j’ai pas réussi. Aujourd’hui, j’ai
compris, j’ai entrevu toute la rétention qu’on garde qd on croit se délester.
JL : Deux découvertes : 1. la phénoménologie.
Les balbutiements que j’ai appris me parlent. 2.
Pour Heidegger : le Dasein = vision, aboutissement… il parle du quotidien
pour aller vers le Dasein. J’ai toujours pataugé dans les concepts
heideggérien. Cet éclairage m’a ouvert une voie. Je voulais aussi remercier C.
d’être-là parce qu’il m’offre la possibilité que ce qui se dit ici ne sont pas
que des mots.
D.: J’ai besoin d’incuber et de faire passer cette pensée
par quelque chose de plus personnel. J’en suis dans une bousculade intérieure.
Tumulte intérieure. Il y a des fragments qui s’échappent.
C. : Je ne sais comment le dire ce que j’ai ressenti
ici. J’ai senti quelque chose. Fort. Force qui questionne, trouble, apaise.
J’ai bien fait de rester. Je suis étonné du fait d’avoir touché à la
consistance de certains membres du groupe. Je ne me sens pas encore faire
partie du groupe.
N. : J’ai eu de la fièvre… j’ai fermé des portes… Je
me suis glissé dans l’’épars. Choqué par « il faut »… Je n’aime pas
l’entendre…
G. : J’aimerais décrire phénoménologiquement mon
émotion d’irritation. J’ai besoin de limites, de frontières. Venant de ma
culture thérapeutique, Je n’aime pas quand les limites du temps sont floues.
Cela m’irrite. S’arrêter à 21h, ce n’est pas encore travailler à 23h. C’était
un jour riche pour moi. J’ai beaucoup reçu à méditer.
L.: Dilemme… être-là ou pas être-là. Je suis épuisé. Le
temps du repos n’est pas respecté. Pas de temps pour respirer. Trop.
S. : J’ai beaucoup vacillé. C’était très dur. A
chaque fois, j’ai essayé de revenir vers l’équilibre pour ne pas chuter. Tant
de choses ont été dite que je sens, que je comprends mais que je ne veux pas
accepter. La promenade était salvatrice.
S. : J’aimerais que tu parles du vide, du néant, du
rien… qu’on y revienne. Coincer avec les mots allemands. C’est une langue
étrangère. La promenade était moins facile. Je me suis trouvé au milieu du
troupeau. J’avais envie d’être seul. Vous m’intéressiez mais je ne savais pas
comment me rapprocher de vous.
JL : journée difficile en montagne russe. Concepts
difficiles. Je me demandais ce que je faisais là. Cela me parle. C’est pour
cela que je veux partir. Aller en forêt, c’est toujours un bonheur et un
plaisir même si je préfère être seul. Effet rédempteur : il y a des lieux
où on peut devenir fou, se perdre ou s’abimer dans l’abime de l’effroi. J’ai
revis ma vie : l’abime de l’effroi, de la déréliction, le suicide. Je ne
suis pas fou et je ne suis pas mort. Là ce soir, c’est de nouveau la chute avec
ces questions de conscience de la mort, mort imminente, envol ou le rythme, les
possibles. Je vois mes possibles se réduire comme une peau de chagrin et ce
n’est pas drôle.
N. : en pensant à ces quatre premiers jours, je
pense à la tapisserie de l’apocalypse d’Angers. Il y aurait comme un lien entre
ce qui s’est passé quand j’ai vu cette tapisserie et ce qui s’est passé ici.
J’ai le choix : je reste dans un très beau désert ou je me passionne pour
les études de l’ « Être » …
L. : En pensant à ces quatre jours : Je suis
venue avec plein de question et je repars avec encore plus de questions mais
mieux posées, plus précises. Je prends conscience de la nécessité d’une
certaine indépendance dans mon approche, trouver mon propre langage, aspect
très touchant que pendant 4 jours, je n’étais plus seul avec mes questions.
G. : Quand je suis arrivé, durant les premiers
jours, je n’ai pas compris ce qui se passait. Je suis descendu dans une
sensation d’aliénation, dans un mélange de philosophie. Suis-je
Heideggérien ? Je ne le suis pas… C’était très bien pour moi que cet
espace ne favorise pas l’expression des émotions. J’ai pu transformer cela. Je
me sens très différent maintenant. Ce que tu as dit à S. sur l’entre-deux m’a
aussi beaucoup aidé. Je ne suis pas Heideggérien. Je ne suis pas
Daseinsanalyste. Je suis moi. Cet univers philosophique est totalement
différent du mien. En ce moment, je me sens bien avec cet entre-deux ,
laisser émerger cela. Bel espace. Espace
ouvert. Je suis en dehors de cet univers que je connais.
JL : Ces quatre jours ont été placé sous le signe de
la descente, de la chute. Je me suis rendu compte que je ne savais rien,
renverser les savoirs. Ma pensée était faite de magma, de bric et broc. Je suis
sur la croisée des chemins. Le groupe m’a permis un retrait-engagement qui me
permettait de souffler. J’aimais son humanité simple avec sa fragilité qui
flottait là.
S.: 1. Ici j’ai trouvé une attirance pour le concept,
quelque chose de bien ciselé. J’ai eu une vision impressionniste et intuitive
de la phénoménologie. Cela me fait peur de tout ce travail qui me permettrait
de pouvoir opérer avec ces concepts. 2. Ce qui me traverse… j’ai l’impression
que je vais me retrouver très seul. Mais j’ai fait cela toute ma vie. 3. J’ai l’impression que quelque chose en moi
est bouleversé mais je ne sais pas de quoi il s’agit. J’aime bien ressentir.
M. : J’ai été impressionné par ce groupe parce que,
très vite, il y a eu des lieux de partage et de complicité qui se sont
installés. De même avec la matière transmise. Compréhension et incompréhension.
J’ai été surpris par la surprise de me rendre compte que quand une question
était posée, elle sous-tendait une autre question plus profonde.
F.: Quand je viens en ce lieu, je reconnais ce que j’ai
oublié il y a bien longtemps. J’étais tombé dans la médiocrité. Que de gâchis.
Que de temps perdu. Aujourd’hui, à peine, je me remets à balbutier. Merci pour
l’être-ensemble.
D : J’étais venu découvrir, apprendre en sachant que
je ne savais que balbutier. C’est devenu un espace qui est devenu une immensité
qui m’a touché. J’étais venu apprendre mais j’ai vécu une expérience. Les
concepts sont puissants lorsqu’ils sont placés dans l’expérience. Je suis
devant un choix. Je repartirai demain avec une énigme, celle de futurs
possibles… J’ai été touché par ce lieu. Quelque chose de vibratoire. Cette vibration,
je l’ai retrouvé dans le groupe. Porteur, intonant.
Et d’évaluation en évaluation, nous
sommes arrivés aux derniers mots que j’ai demandé le plus concis possible. Dès
le premier jour, j’ai insisté sur le sens d’une « prise de parole ».
Sortir du bavardage, de l’information. Saisir toute la puissance de
« prendre la parole », d’articuler une parole forgée à l’aune d’une
sensation, d’un à-dire. Nous avons pris le temps de parler, d’écouter et de
ressentir. Ce fut un cheminement du logoV.
A.: Je commence à créer une racine pour prendre un envol.
S. : Un oiseau prend son envol
disparaît dans le ciel
Est-il ou n’est-il plus ?
S.: La puissance de la rencontre des mots et des êtres.
P.: Mon tintement
intérieur est liberté inaliénable tant qu’il m’ouvre.
F. : Gommer les mots jusqu’au dernier pour ouvrir
davantage.
G. : Home coming into a clearing that questions me :
strange and familiar
Se
faire sienne une éclaircie qui me questionne : étrange et familier.
Um – HEIM – lich
L.: Je reste perplexe devant la
possibilité de m’ouvrir à une autre dimension.
D.: Questionner sans cesse pour m’ouvrir
sur d’autres pleins et déliés.
JL : Venir, me perdre, me retrouver,
ni un autre, ni le même et partir.
N. : Je suis au péril salutaire.
L. : Oser l’être-avec, autrement
- un questionnement en ouverture.
V. : Cesser d’effleurer pour
réaliser enfin.
M. : Dois-je questionner la
vigilance ou répondre en éveil ?
Qu’ajouter ? Ce fut un grand
moment, ponctué de silence, d’écoute, de respect mutuel. Chacun ressentait la
fin, le départ, l’Instant où chacun se séparerait pour retrouver son propre
cheminement.
Quelques jours avant le commencement
du séminaire, j’avais proposé à un jeune patient, C., en recherche de lui-même
de participer à ces cinq journées de réflexion. Il dormit le premier jour et
démarqua le deuxième dans l’après-midi. Il décida dès la veille de rentrer.
Après un long partage, il finit par accepter de rester jusque 19h. Sa présence
troubla la parole pour l’arrimer à l’Être. Nous fûmes tous conscients que nous
étions projetés au loin de toute représentation ( Vorstellung) pour
éprouver la présentation ( Darstellung) de l’Être-au-monde. Nous
comprenions mieux que « si la pierre est sans monde, l’animal, pauvre
en monde, l’homme est plasmateur de monde »Heidegger et ce
quel que soit son élan vital.
Nous avons terminé ce séminaire en
lui donnant la parole. Ce fut la
dernière prise de parole de ces cinq journées métamorphogènes.
C. : On me demande souvent si je
vais bien. Si je suis heureux. Me demandent-ils cela à cause de tout ce que je
traverse ou parce qu’ils s’intéressent vraiment à moi ?
Je n’ai rien d’exceptionnel. J’ai des tas
de potes mais mon meilleur ami s’appelle « solitude ». Je leur ai
souvent souri alors que je pensais me pendre. J’en suis malade, sans repères
car j’ai appris à me taire et non pas à demander de l’aide. Je me suis alors
blotti dans le silence pour masquer mes souffrances.
Pourquoi ne suis-je pas heureux ?
Pourquoi ne puis-je l’être ?... alors que j’ai tout pour moi. Je ne
m’écoute pas assez. C’est tout un monde dont on se coupe quand on ne s’écoute
pas, pas même soi. Je sais que le bonheur se trouve à côté de moi.
Pardon d’étaler ma vie, de raconter mon
histoire mais j’ai le cœur qui saigne et l’esprit torturé. Fallait que je dise
comme je vais mal. Il fallait aussi que je dise que je vis un rythme infernal.
Je me considère comme quelqu’un de peu bavard, de réservé, de discret. Parfois
les mots ne sortent pas et l’on reste tapi dans le silence. Je me sens parfois
comme un arbre sans feuille ou un stylo sans encre.
Un jour, je veux vivre, un autre, je veux
mourir. Malgré tout, il reste encore un espoir… Y croire toujours… J’en ai
assez de vivre ma vie au conditionnel. De me perdre socialement. Ma tristesse
m’a renfermé sur moi-même. Ce n’est pas facile de savoir pourquoi tout cela se
passe, ni de pouvoir compter sur soi.
Enfin…
Tout cela ne dure qu’un temps.
Fin du séminaire d’été
24 juillet 2011 – 16h30