3.3. :
"L'existence est rare. Nous sommes
constamment, mais nous n'existons que quelquefois, lorsqu'un véritable
événement nous transforme" Henri MALDINEY[1]
L'écriture et la funambulie
partagent trop souvent les mêmes espaces pour courir les mêmes dangers:
celui d'une hauteur qui, se frayant un chemin dans les cimes, en devient
inaccessible ; celui d'une hauteur qui, ne pouvant prendre son envol, s'abîme
dans le superficiel ; celui d'une hauteur qui, non éprouvée, dépourvue de la
portance du rythme, révèle soudainement le vide et nous fige dans le vertige.
Plus rarement, l'écriture se différencie d’un exercice de style. Il ne
s'agit plus d'une performance, d'une logorhée, d'une histoire à raconter. Non
plus des prémisses qui déjà connaissent leur conclusion mais une voie qui se
fraye au fil et dans l'écart des mots.
Ainsi se caractérise l'écriture du Professeur Maldiney. Instant de
dévoilement, esquisse de Vérité, elle existe[2] notre appel à être, nous réveille de notre
torpeur, nous met en présence du Dasein -
que nous sommes - dont il y va en
son être de cet être. Ecriture en ouverture, moment apertural de l’être, elle
nous ouvre l’Ouvert : "le nulle part sans négation : le pur,
l'insurveillé, qu'on respire, qu'on sait infiniment et qu'on ne désire
pas" [3]
« L’ouvert n’est pas signifiable ; il est signifiance.
L’Ouvert est le où absolu en deçà de l’être et du sens. Il est l’apertural qui
appelle à être. »[4] Les mots cessent d’être des mots mais participent
à une co-naissance, à un dépassement de soi et de la parole, à un dépassement
vers un autre monde, un autre temps, ces termes mêmes étant impropres. Nous ne
pouvons l’expliquer, le rationaliser mais l'exister.
Nombreux sont ceux qui abandonnent,
qui referment le livre, le trouvant abscons, voire hermétique parce qu’ils ne
se laissent pas porter par le rythme. Ils ne s'impliquent pas. Logophages, ils
consomment. L’écriture du Pr. Maldiney exige une lecture-en-présence d’un soi
qui existe ce qui apparaît au jour du surprendre. Elle nous met en demeure de
nous tenir en dehors de nous-mêmes. Elle n’exige pas d’être comprise mais
d’être entendue.
Depuis plus de vingt ans, je chemine dans l’entrelacs de sa présence et de
son écriture. Des années de lecture pour un instant d’éclaircie qui déchire la
trame du quotidien.
Permettez-moi donc d’entrelacer mes mots aux siens[5], ceux de nos entrevues, de nos entretiens. Il ne
s’agit pas d’introduire, de faciliter une compréhension ou de raconter une
histoire mais de partager un moment d’exception.
Tous supports, quels qu'ils soient – couleurs, terre, mots… -, le restent
tant qu’ils ne servent qu’à reproduire, tant qu’ils se limitent à ce qu’ils
sont : des éléments tirés de
l’expérience sans jamais se transformer en moments dimensionnels d’une œuvre d’art. Par exemple entre une droite
ou un bleu dans un tableau de Mondrian et une droite et un bleu perçus dans le
monde. L’erreur est de confondre les deux ordres : art et prose du monde,
c’est-à-dire d’oublier que le rythme de l’œuvre sous-tend toutes les formes qui
la constituent. C’est en lui qu’elles existent ; elles consistent de cette
transformation. Les éléments d’une œuvre d’art sont, en elle, des moments de
forme, c’est-à-dire des esquisses rythmiques qui n’existent qu’à même le rythme
unique de l’œuvre.
Une peinture, une sculpture, un livre connaissent des destins bien
différents s'ils demeurent des objets thématisables, analysables et
interprétables à souhait où s'ils existent le fond de l'être qu'ils
accueillent. L'accueil exige réciprocité et mutation[6] continuelle du creux et du relief, de la distance
et de la proximité, de la présence et de l'absence, du même et de l'autre, du
vide et du plein.
Trop nombreux sont les ouvrages, trop rares les œuvres. Les premiers se
lisent, se perçoivent, les deuxièmes se
rencontrent. La rencontre n’est jamais banale. Quand y-a-t-il rencontre ? Rencontre n’est pas contact, épreuve
bilatérale, mais présence de chacun à l’avant de soi à même l’épreuve de la
présence de l’autre. Le dévoilement de l’un dans l’accueil de l’autre n’est une
révélation pour celui-ci que si dans cette épreuve il s’apparaît à lui-même
présent : à l'avant de soi.
Cette rencontre demande-t-elle un cheminement ?
Dans ce que j'écris, il s'agit d'une
question, question qui a été posée sous différentes formes. Il s'agit de
marquer et de dénoncer l'inauthenticité de beaucoup de ces formes. Mais, si je
restais à cette seule critique, je ne dirais rien du tout. La parole est
articulation des choses dans l’éclaircie. Encore faut-il qu’elle ne soit pas
pour l’écoutant un bruissement étranger et qu’il n’ait pas déjà condamné en lui
toute ouverture à ce dont elle parle. L’apparition des choses ou d’un autre
n’est une entrée en présence que pour celui qui, à même cette épreuve est
exposé à soi dans son autophanie. C’est en quoi une œuvre d’art est spirituelle.
Elle n’est pas un étant. Elle existe, d’une
existence irréductible à toute autre, y compris celle de l’artiste. Ce qui fait
dire à Héraclite : « Ce n’est pas moi qu’il faut entendre, mais le
Logos ».
Il s'agit donc bien d'un entendre qui s'apparente à un
cheminement-méditation - entrer dans le sens[7] - d'où surgit, quelques fois, rarement, à partir
de rien une rencontre. Celle-ci ne peut être préméditée, préparée. Cheminer
n’est pas anticiper mais à chaque pas ouvrir la voie sur laquelle on trouvera
en avancant appui et soi La rencontre n'exige en aucune manière de connaître la
biographie de l'auteur. Qu'est-ce qui nous permettrait dès lors de mieux
pénétrer cette écriture ?
C’est l’écriture elle-même se
traversant. C’est au lecteur à passer par elle. Mais ces mots: écriture et
lecture évoquent trop le scribe accroupi. Ce qui constitue dimensionnellement
une œuvre d’art quelle qu’elle soit, c'est la dimension suivant laquelle elle
se forme, suivant laquelle elle existe. Elle est toute signifiance sans être
jamais signifiable par autre chose.
Quelle est la dimension constitutive d’une œuvre ? C’est ce qui justement
n’est pas un état de chose, ce qui n’a rien à voir avec une logique :
c’est le rythme. Le rythme n’est pas un objet. On ne l’a pas. On n’est pas
devant. On est au rythme. Qui est au
rythme n’est pas au monde, que ce soit sur le mode du projet (Heidegger) ou sur
le mode de l’intentionnalité (Husserl).
On n’a jamais réellement compris le
rythme. Il est irreprésentable. Il n’y a pas de notation possible du
rythme parce que le rythme implique son
espace et son temps. Il n’est donc pas explicable dans un espace et un temps
préalables à lui. Tant qu’on est impliqué dans l’espace et le temps de la
mondéité, on est hors du rythme, hors d’œuvre, réduit à l’état de
« on » précisément.
Tout rythme est unique. Il y a
autant de rythmes que d’œuvres. Le rythme est pourtant Un. Une œuvre d’art est
unique en ce qu’elle est rigoureusement l’expression directe de l’Un. Voilà le
vrai sens de l’Un… Il n’est pas question ici d’essence, il n’est pas question
d’étance. Un rythme n’exprime pas un
état ou un moment du règne du monde, même de celui dont nous sommes l’ouvreur.
Ouvrir un monde, c’est fonder l’effectif ( qui de soi n’a ni raison d’être, ni
de n’être pas) en possible et, par là, l’ouvrir au sens.
A sens en effet ce qui se situe sous
l’horizon des possibles. Or le rythme, ce n’est pas cela. Il existe sans avoir
été d’abord possible.
Le pouvoir de rendre possible et de
donner sens qui définit le rapport (actif) de l’homme n’est pas à l’origine de
l’art. Celui-ci est la mise en œuvre d’une tout autre dimension humaine que
j’ai appelée transpassibilité.
Avant de saisir toute l'importance du rythme dans l'œuvre d'art et de
comprendre que comprendre une œuvre, c'est en exister le rythme, il nous faut
tout d'abord préciser la notion de transpassibilité. Pourriez-vous, Professeur,
nous éclairer ?
Il faut déjà que le lecteur ait le sens de ce que cette notion de
transpassibilité annule. Pourquoi n’y a-t-il pas d’événements dans le
monde ? En quoi, un événement est-il une surprise absolue ?
En ce que, dans le monde, nous ne
situons que ce qui est d’avance possible, possible par nous. Ce qui, dans cette
perspective, est réel est toujours d’abord possible. Rien n’est plus contraire
à l’art. En lui tout est surprise.
J’ai beau anticiper toutes les
possibilités, envisager ou susciter tous les sens possibles, je n’ai pas encore
commencé d’entrer dans la sphère du transpassible – laquelle ne relève pas de
la logique. Il n’est de logique que de l’objet. Or l’art n’est pas objet. Non
plus l’existence.
Il est très important de dire ce
qu’on entend par monde. La physique appelle le monde univers, peu importe
qu’elle le définisse par ses structures ou par ses contenus. Dans les deux cas,
il s’agit d’objectités sur lesquelles on opère. Mais, pour opérer sur quelque
chose, il faut déjà avoir ouverture à lui. La science n’a jamais expliqué
comment elle avait ouverture à quelque chose. C’est la question que posait Heidegger dans « Was ist
Metaphysik » : « Pourquoi quelque chose et non pas rien ?»
De ce surgissement du quelque chose, la science ne sait rien. Et elle tait ce
rien. Elle opère.
Mais comment a-t-elle ouverture ? Quand
je dis : « avoir ouverture », je rejoins la question générale de
l’ouvert. Il n’est pas question d’opérer sur lui.
Dans la huitième élégie de Rilke,
« le pur, l’insurveillé »,c’est sur quoi nous n’avons pas prise,
« das Niergends ohne Nichts », le rien qui ne suppose aucune
négation. L’ouvert ne résulte pas d’une négation faisant le vide du monde. Ici
se pose la question de son rapport avec le rien. Car le rien non plus ne
résulte pas de la négation de l’étant. Toute négation porte sur un étant
déterminé et le négatif qui en résulte est affecté par la déterminité de cet
étant. Paul Klee l’a bien marqué à propos du Chaos. Le chaos véritable, dit-il,
n’est pas le contraire du cosmos, du monde comme Ordre des choses – dont le
contraire est désordre, selon la conception triviale du Chaos. Le véritable
Chaos est béance, comme l’indique la
racine grecque " ca ",
celle de caw béer, s’entrouvrir. C’est une erreur de le
rapporter au verbe cew :
verser, répandre. C’est de cette béance ouverte qu’il est question dans un
apologue de Chuang tzu " Forme et Sans Forme rendaient fréquemment visite
à Chaos qui les accueillait avec beaucoup d’urbanité. Désirant lui en témoigner
leur reconnaissance, ils lui dirent: "Tous les hommes ont sept orifices
par lesquels ils voient, entendent, respirent et se nourrissent. Vous seuls en
êtes dépourvus. (Vous n'avez
communication ni à rien, ni à vous-même.) Si nous vous percions ces
orifices ?Chaque jour, ils lui en perçaient un. Le septième jour, Chaos
était mort."
Forme et Sans Forme ouvrent le Rien.
Le Chaos, opaque et aveugle, qui n'est ni néant étant, ni étant néant, qui n'a
communication ni à rien, ni à soi,
disparaît dans l'ouverture où, au deux sens de l'expression, il se fait jour, et dans laquelle
toutes choses ont communication les unes aux autres et chacune à elle-même - y
compris le Chaos, "néant néanti".
Forme et Sans Forme agissent
ensemble. Une forme a dans l'absence de forme son départ et son issue à tout
moment de sa formation. On ne peut
dériver aucun de ces moments des précédents ou d'une loi de construction. Une
forme ne se dirige non plus sur aucun modèle préalable, idéal, réel ou virtuel.
C'est de cette conjonction paradoxale que naît la seule forme authentique qui
est précisément le rythme. Le rythme, à chaque instant, s'abîme dans la faille
pour renaître transformé en …lui-même. Il se déploie dans l'Ouvert pour autant
que l'Ouvert s'ouvre en lui sous la forme du Rien. Pourquoi est-elle la seule authentique ? Parce qu'il est la dimension suivant
laquelle une forme se forme, la seule dont s'éclaire l'énigme d'un pur jaillir.
(Hölderlin. Le Rhin) Le rythme est un avènement. L'avènement sort de rien, n'a
pas de forme préconçue, n'a pas de
finalité et devient de soi-même
signifiance et existence, existence signifiante, réelle. C'est à partir de ce
rien qu'elle devient le seul événement possible de l'Ouvert qui est un
avènement. Il n'y en a pas d'autres..
« Abstrait, tout l'art l'est ou n'est pas. »[8] Cette dimension abstraite est d’autant plus
difficile à se faire force que l’art est figuratif. En regardant une peinture,
je peux m’intéresser uniquement à ce
qu’elle représente, à l’histoire qu’elle raconte. De même, je peux réduire le
livre à une source d’informations. Or l’œuvre d’art ne raconte jamais une
histoire, elle n’est pas anecdote. « Son apparaître ouvre le sens et fonde
la vérité du il y a…L’unique réponse au défi des œuvres en acte, dissimulées
dans leur première clarté, est de mettre en lumière en elles le paradoxe qui
constitue leur ultime condition d’être : le Rien est impliqué dans la toute-présence.
C’est le vrai sens de l’abstraction. »[9]
Un rouleau de Shitao, une sculpture de Giacometti, une poésie de Rilke, un
bol à thé de Rikyu, une peinture de de Staël, ne sont pas des objets
contingents qui occupent un lieu, lequel pourrait aussi me recevoir. Au
contraire, ils me surprennent , m’arrachent de mon lieu-quotidien, déchirent
mon possible. Je suis dans l’instant de leur rencontre en
crise : « l’essentiel de la crise n’est pas seulement le passage
d’un ordre à un autre, mais aussi l’abandon de la continuité ou de l’identité
du sujet. Elle montre la lutte à mort engagée entre l’attribut pathique
et l’attribut ontique »[10].
Comment les comprendre, ces crises qui me déstabilisent à chaque
fois ? Sans les écrits de Maldiney, je n’aurais pu ni fondamentalement les
saisir, ni les dépasser. Sans sa présence, je n’aurais pu laisser sourdre de
l’indéterminé mon être le plus propre.
Etrange destinée que cette écriture qui abrite en son sein le mystère et
l’avènement de la mutation[11], cette écriture qui explique (Auslegung) ce qu’elle peut elle-même
engendrer : la déchirure de l’existence, la rupture de l’évidence que
chacun d’entre-nous expérimente peu ou prou à l’adolescence.
La crise de l’adolescent, dit-il « est co-originairement une crise de
soi et du monde. L’adolescent ne veut pas être aimé. Il veut être compris selon
son être propre…L’adolescent qui se découvre être là, au monde, pressent qu’il
est le là de tout le monde ouvert. Il découvre la dimension du pour-soi…d’un
pour-soi qui lui est étranger parce qu’un autre est en train de percer sous
lui. »[12]
La crise de l’adolescence est avant tout tragique – « le tragique
advient lorsque se brise ce dont il y va
en un sens ultime et absolument englobant, ce à quoi est suspendue la
présence humaine. »[13] - parce qu’elle s’impose à un être-en-exil, sans demeure. Ostracisé, il ne
peut revenir du lieu qu’il a quitté. « Découvrant la précarité du présent
dans l’infinité du temps »[14], il bouge sans cesse sans pouvoir demeurer. Jamais un être ne peut ressentir comme
l’adolescent, avec autant d’intensité, ce que je pressens comme source de toute
crise, noyau de chaque événement : la
présence simultanée de l’Être et du Rien.
L’adolescent n’exulte-t-il pas souvent de son pouvoir-être, qu’il exalte…à
l’échouement, fissuré par un haut fond : le rien. Il ressent dans un même
élan la volonté de puissance ascensionnelle qui le conduit vers l’existence, la
créativité et celle descencionnelle qui le mène au néant. Le drame de l’adolescence est la solitude,
une prise de conscience trop souvent précoce et dès lors tronquée de la
dimension tensionnelle de la présence et de l’absence, de la proximité et de la
distance…, des limites . « Toute dimension pathique de l’existence a sa
pathologie… Le pathologique est une possibilité du pathique révélée dans la
crise, »[15] poursuit Maldiney. L'adolescent est écartelé
entre ces deux directions antagonistes - la volonté de puissance ascensionnelle
et descencionnelle, véritable tension existentiale, dont le point de rupture
signe la crise, , dont l’issue la plus dramatique est celle de « la
psychose naissante ». La crise de l’adolescent est la plus atypique car l’événement - ce
réel qu’on n’attendait pas tant il vous surprend - est l’adolescence, elle-même
qui exige pour se transformer, un nouvel événement, celui de la Rencontre.
Toutefois, l’événement ne s’anticipe pas, ne se commande pas. Cette Rencontre,
déjà rare par elle-même, ne survient que plus rarement encore au sein de cette
crise d’identité. C’est alors qu’une forme impropre, inauthentique de la
Rencontre prend le relais. A défaut de la Rencontre, il y a les rencontres, les
amourettes qui, certes, ne trompent pas, n’existent pas le fond en le
constituant mais qui permettent d’éviter le pire. Cette crise qui n’en est plus
une, lasse l’entourage. Elle s’enkyste
volontiers dans une petite vie où domine la voix du « On » ou
peut se perdre dans les méandres de la contestation. Mais elle peut aussi, dans
l’instant, se déchirer dans l’événement de la Rencontre.
Fin des années soixante, suite à leurs échanges sur l’espace et le temps
vécu, Henri Maldiney écrit au Dr Gisela Pankow : « Au large de tout Ici, sans ailleurs, toute
rencontre est suspendue hors de soi, au péril de l’espace, dans l’Ouvert »[16] L’écriture de Maldiney n’est-elle pas phénoménologique[17] dans la mesure où elle n’imagine rien et
n’élabore aucune théorie. Elle décrit ce qui apparaît, ce qui se montre. Bien
plus encore, elle existe les
existentiaux. Cette phrase, je l’ai lue en 79 lorsque je suis son enseignement
puis je l’enfouis. En 95, au moment de la Rencontre, je la relis. Depuis, je la
médite.
Seule une conversion du regard, des sens inaugure le décel de l’Être que
son écriture recèle. Il n’est pas besoin de connaître le Pr. Maldiney pour se
rendre compte qu’il a rencontré, que sa rencontre fut Rencontre. Comment
peut-il ciseler les mots, les choisir, les conjuguer au point de nous offrir
l’épiphanie de cette rencontre - sous réserve d’une autophanie - s’il ne
l’avait pas éprouvé ? C’est pourquoi, comme il le précise lui-même, il n’est pas le maître de l'ouvrage mais le
témoin[18] d'une
oeuvre, l'istor , comme les figures sous arcade de l'apocalypse
d'Angers sont en bordure de chaque scène les garants de l'événement.
Relisons ce moment événementiel : « Au large de tout Ici, sans ailleurs, toute rencontre est suspendue hors
de soi, au péril de l’espace, dans l’Ouvert ».
L’adolescent peut-il supporter, risquer la Rencontre ? La Rencontre du
Dasein précède-t-elle toutes les autres ?
Chaos vient de la racine grecque
" ca " :
s'entr'ouvrir, bailler ; caoV, ouverture béante, gouffre, abîme…L’enfant est souvent heureux si le monde dans
lequel il évolue est harmonieux. Il n’est pas touché par l’appel à être parce qu’il n’a pas à se dégager du destin
de l’Histoire. Qu’un enfant ait une histoire, par exemple un deuil, et tout est
transformé. L’adolescence infligera une première et inexorable fracture,
fracture qui met l’enfant en présence
d’une ouverture béante, du gouffre, de l’abîme.
Mais qu’êtes-vous, adolescence ? Une tranche d’âge, une hormone, une
résonance intime ?
Dans un premier temps, certainement une hormone qui fissure l’image du
corps, qui le réveille au jour de la sexualité, du désir et de la pulsion. Plus
rien n’est pareil. Le fond s’effondre. Son sol, jusqu’à présent, solide, se
dérobe.
Un deuxième temps s’instaure : celui de la question existentiale aux
mille réponses, jamais satisfaisantes… sans réponse : Qui suis-je ?
Pourquoi moi plutôt que rien ? Où suis-je ? Où vais-je ?
L’hormone et la question entrouvrent ce qui semblait inébranlable, le fond.
L’adolescent n’est il pas bien rapidement au large de tout Ici, sans
ailleurs ? Mais rencontre-t-il pour
autant ?
« Rencontrer, c’est se retrouver en présence de l’autre »[19] « Il n’est de rencontre que de présence à
présence, dont chacune a sa tenue à l’avant de soi, en soi plus avant. »[20] Telle est bien la grande difficulté de
l’adolescent car en recherche de sa propre présence. Il ne recherche l’autre
que pour se trouver. Or, « celui qui attend ne rencontre pas l'autre en
présence réelle si l'apparition de celui-ci ne met pas en déroute toutes ses
protentions… Une rencontre est
co-naissance : l'être rencontré surgissant de rien, comme le rencontrant
lui-même. La réalité d'autrui dans la rencontre est une signifiance
insignifiable - comme son existence. L'existence se donne dans son don le plus
fort, là où son signe est égal à zéro…
La présence d'autrui fait perdre à l'être-là non seulement son être,
mais la capacité de le mettre en jeu »[21]
Cette ouverture à la présence d’autrui – cette co-naissance - est l’enjeu
le plus capital de l’adolescence. Celle-ci n’est possible qu’au sein de la
transpassibilité, ce dont l’adolescent souffre précisément le manque. Passible
de l’imprévisible, il l’est bien peu tant il le désire cet imprévisible qui
pourrait le sauver. Comment peut-il se retirer, lui qui se ressent déjà si
évanescent ? Comment pourrait-il sortir de soi, lui qui le ressent, ce
soi, comme perdu ? L’adolescence est la crise de l’existence. Existence
est transcendance.
« C’est dans la transcendance et par elle qu’il est possible de
distinguer à l’intérieur de l’existant et de décider “ ce qui est un
soi-même ”, et comment est “ un soi-même ”, et ce qui ne l’est
pas… Ce vers quoi la réalité-humaine ( le Dasein) comme telle transcende, nous
l’appelons le monde, et la transcendance[22], nous la définissons maintenant comme
être-au-monde. »[23] L’adolescence est la crise de la transcendance,
la crise du au-monde. Rares sont ceux
qui comprennent cette déchirure, qui s’en souviennent. Comprendre l’adolescent,
c’est résonner à cette déchirure, y être intonné.
« Verstehen ist immer
gestimmtes »[24]? Eclairez-nous, Professeur ?
Cela veut dire
« être accordé à un ton ». Mais il faudrait montrer comment cet
accord est immanent au comprendre. Or cela n’est pas élucidé par Heidegger, en
raison même de sa conception du comprendre. « Seul, dit-il, l’être-là est
sensé », en ce que son projet ouvre le sens du monde, auquel, par là, il
est. Il comprend ce qui est en jet dans son projet. Ainsi dans l’origine de
l’œuvre d’art, l’art éclaire la terre en la portant au monde. Il est projet
de monde. En
lui « es weltet ». Nul part ne surgit la surprise de ce qui excède
infiniment la prise et l’entreprise et en quoi s’engloutit tout a-priori.
L’adolescent
ne se sent pas compris et s’en plaint. Le danger pour l’adulte, pour le
thérapeute est de s’en tenir à cette demande. Tout empathique qu'il puisse
être, il maintient l’adolescent dans sa déchirure. Comprendre rapproche dans la
distance, n’abolit aucune limite, n’instaure aucune nouveau lieu, aucun nouveau
temps. Il éclaire différemment la mondéité mais nous y maintient. La demande de
l’adolescent est toute autre. Elle est de l’ordre d’une signifiance
insignifiable. Il espère l’impossible, attend l’inespéré, l’inespérable tout en
s’enlisant dans la mondéité. Tels des sables mouvants, plus il désire s’en
extirper, plus il s’y enfonce. La crise du « au-monde » ne peut se
résoudre au sein de ce monde. Seule la
rencontre véritable ouvre à chaque fois un autre monde et un autre temps
auxquels avant qu'ils aient pris forme elle est suspendue. La rencontre ne
s’insère nullement dans une situation historico-mondiale.
La
Rencontre transcende le comprendre. La
question ne se pose plus. Le là de la Rencontre n’instaure pas un espace
d’orientation mais un espace de présence originelle, un point-source dont
l’éclatement ouvrira un monde. La Rencontre est un moment de Urstiftung, de
fondation originelle.
Comme nous tous, j’ai été adolescent et je le suis resté jusqu’à cette
Rencontre de septembre 95. Je me promenais en Norvège en juillet 95 le long
d’un torrent à la recherche de pierres qui me serviraient de Runes. Alors que
je plongeai ma main dans l’eau froide et limpide, au moment de saisir la pierre
que j’avais remarquée, je ressentis que le Pr. Maldiney
dont je suivais l’enseignement depuis 1978, était mon maître. Ce fut un moment extraordinaire. Le soir même, je
lui ai écris de cette petite hutte de bois à flanc de montagne où je passais la
nuit. Le moment de Rencontre fut au lointain, surprenant, là où rien ne pouvait
présager l’événement. Quelques mois plus tard, en septembre, je lui rendis
visite à Vézelin pour préparer un congrès. Le moment de la Rencontre fut très
étrange, en fin de soirée. J’avais été toute la journée très intimidé, sur mes
gardes.
Le moment de se retirer vint. Des chutes de courant étaient fréquentes et
pouvaient plonger sa demeure dans la nuit. Il s’arma d’un chandelier et me
précéda sur le grand escalier de pierre qui
conduisait à ma chambre. Soudainement se brisa la distance. Toutes
représentations s’évanouirent. Suspension de toute spatio-temporalité. Il ne me
conduisait plus vers ma chambre mais m’accompagnait, au large de tout Ici, sans ailleurs, dans l’éclaircie de l’Être.
Sans jamais sombrer dans le « On », nous ne sommes pas pour autant
toujours dans la Rencontre. Celle-ci est exceptionnelle, unique, sans
comparaison mais n’implique pas une situation exceptionnelle. Un geste –
cueillir une tomate dans le jardin, prolonger une parole d’un mouvement de la
main -, un regard, un sourire peuvent traverser et déchirer la mondéité. Sans
crier gare, fond et forme s’identifient, s’instaurent un nouveau monde, un
nouveau temps. S’ensuivent des mutations continuelles du lointain et du proche,
de la présence et de l’absence, du projet et de la chute, de l’élan et du
suspens. La Rencontre n’implique ni fidélité, ni certitude, ni sécurité,
n’engage aucune possessivité. Elle ne comble pas la béance mais la transforme
en patence.
Pour
mettre fin à cette béance, le rythme est nécessaire. Il met fin au chaos parce
qu'il implique une forme qui part de ce
qui n'est pas elle, de ce qui n'est rien,
du sans forme. Pour sortir
de la béance de l’adolescence : le rythme. Il ne s’agit pas de la cadence,
d’une boîte à rythmes ou de percussions dont les jeunes sont si friands. Ce
rythme naît de la Rencontre, émerge de rien qui n’existait avant sa présence.
Je l’ai éprouvé comme intime à l’élan vital. « Ne nous arrive-il pas, à
certains moments de la vie, de nous dire, à la réflexion, que le moi avec tout
ce qu’il peut faire et atteindre, est bien peu de choses, n’est rien, au fond,
en présence du devenir ambiant ? … Je porte en moi la notion d’une
destinée universelle, je porte en moi, dans mon élan personnel, la notion d’une
sphère de communion spirituelle avec quelque chose qui me dépasse et qui me
guide mais qui, irrationnel dans son essence, ne saurait ni être détaché du moi
ni être précisé davantage…c'est surtout
quand nous nous efforçons de donner au monde ce qu'il y a de plus
personnel en nous, que nous sentons notre élan venir du fond de notre être...Si
nous détournons les yeux de l’élan personnel, nous ne nous trouvons plus ni en
présence du vide, ni en présence du chaos, mais nous découvrons un phénomène
nouveau devant nous, celui du contact vital[25] avec la réalité…Le phénomène du contact vital reste subordonné à l'élan
personnel…
C'est comme une nouvelle source qui ne nous
apporte pas des connaissances nouvelles…nous parlerions volontiers en ce sens,
d'inspiration jaillissant tantôt du fond de notre être, tantôt venant d’une
union intime avec le devenir ambiant »[26]
Au moment où se transforme la crise, où de
nouvelles évidences se forgent, ce rythme existe le fond de mon être et je
ressens que je porte en moi, dans mon élan personnel, la notion d’une sphère de
communion spirituelle avec quelque chose qui me dépasse et qui me guide. Cette
sensation n’est pas un délire si une nouvelle crise peut me porter vers
d’autres horizons. « Le soi, jamais donné, jamais atteint sous peine
d’échec, n’est soi qu’à se maintenir en possibilité ouverte. »[27] Cette première crise de l’adolescence n’est que
la première d’une longue série qui toujours nous surprend car émergeant de nul part. La crise est le témoin
de l’existence. Elle est le moment apparitionnel de la rencontre. Nous ne
pouvons l’attendre. Elle apparaît. « Le Cervin surgissant n’est pas
localisé dans l’espace ; il meut l’espace unique de tout ce qui a lieu. A
son apparition, la volonté est toute de silence. Ce qui de lui nous aborde,
dans le saisissement, c’est sa présence nue. »[28]
Lorsque la crise apparaît, la volonté est toute de
silence. Elle trouble. Elle existe notre fond. « Le fond est un moment
dimensionnel de l’organum que constitue le rythme générateur de l’espace unique
de l’œuvre. Il est une sorte de mur cosmique, infranchissable, insaisissable, à
partir de quoi tout commence. »[29] Ce trouble est au péril de l’Être, au risque du
rien. Je peux ne plus pouvoir, ne plus sortir de la crise, y rester forclos. La
Rencontre, la crise me met en demeure de me transformer ou de m’anéantir. Il me
faut sortir du sans-forme, du rien tout en sachant que la volonté ne peut nous
en extirper. Seul le rythme.
L’appel à l’existence. « Dasein ist mitsein, l’homme de l’avec
est celui qui existe à rencontrer »[30]. Exister, c’est se tenir en dehors de soi, au
péril de l’être. C’est là que peut surgir une rencontre. Pas celle d’un
objet , Professeur ?
Bien sûr que non ! Ceux
qui se rencontrent se rencontrent à l'avant d'eux-mêmes. Il n'est de rencontre
qu'entre ex-istants, entre êtres qui ont leur tenue hors, dans l'ouverture, "en avant de soi, en soi, plus
avant." La rencontre implique et exprime la potentialité de l'existence.
Il n'y a pas de rencontre au niveau du on.
Dans la rencontre, nous ne sommes pas entre
nous dans un espace intercalaire, mais exposés dans le entre universel,
dans l'Ouvert. Chacun apparaît, a son épiphanie dans le regard de l'autre pour
autant que celui-ci s'y apparaît à lui-même en son autophanie toujours en
ouverture et dont la signifiance n'est pas monaiyable en significations. C'est
la condition même de l'anthropo-thérapie.
Au terme de ce cheminement
qui n’a eu d’autres raisons que celles de se frayer une voie, je me demande si
celui qui comprend votre œuvre est intoné à vous-même ?
Celui qui comprend mon œuvre n'est
pas intoné à moi. Peut-être l'est-il à ce à quoi je suis en écrivant. Je ne
suis pas ma bibliothèque.
A la mort de mon ami Du Bouchet j'ai
écrit : " Relisant de lui quelques lignes, "heurtant au muet comme à
ce qui est ouvert", j'eus clairement cette pensée. Ce dont je suis en
deuil n'est pas qu'il me manque mais qu'il manque au monde. Aucune biographie,
aucune bibliographie recouvrant son absence sous une masse d'informations ne
peut venir à bout de cette présence parce que son existence poétique est
réelle, son existence poiétique est un avènement de l'humain dans l'homme.
L'essence de l'homme est à l'avant
de lui-même, "dehors, sur son écart, inscrit comme jour au centre."
Se retrouver dans l'écart, c'est être sans jamais s'insérer dans la
bien-facture d'un système clos…"[31]
Ecrire pour qui ? Cette question n'est pas première. J'écris pour ceux que cet écrit éveillera. A quoi ? A ce pourquoi j'écris. J'écris en tant que témoin de la signifiance de l'Être qui me traverse et m'enveloppe irruptivement. Cela conduit à un livre. Je ne suis pas le maître de l'ouvrage. Je suis le témoin d'une oeuvre, l'istor , comme les figures sous arcade de l'apocalypse d'Angers sont en bordure de chaque scène les garants de l'événement. Quelqu'un ne peut rencontrer l'auteur dans son l'œuvre. C'est comme si quelqu'un pour voir, regarde ses lunettes. Non, il doit regarder à travers.
Ecrire pour ceux que cet écrit éveillera, éveillera à l’événement. J’ai
écrit pour partager mon événement, celui de la rencontre avec cet homme
discret, simple mais dévoilant, en
energeia, qui m’a aidé à me frayer
une voie dans le monde silencieux de la
souffrance humaine : la mienne, celle des adolescents, celle de chaque
patient. Préciser aussi que la Rencontre ne nous préserve pas d’exister, de se
tenir hors de soi. Elle ne nous soulage d’aucune responsabilité. Elle ne prend
rien en charge. Elle existe le fond. Elle n’exhorte pas à être mais nous
appelle, dans l’Ouvert, à exister, à ne pas oublier qu’il y va en notre être de
cet être.
Quand je parle de
transpassibilité, me dit-il, je parle de la découverte d'un soi qu'il était
impossible de soupçonner d'avance. Et pourtant, nous sommes responsables de ce
que nous n'avons pas encore ouvert. Être rend responsable. Beaucoup plus
profonde que toute moralité, cette notion de responsabilité.
Certes, il
n’était pas nécessaire de connaître sa bibliographie pour comprendre son œuvre.
Mais pour ceux qui l’ont rencontré, il ne s’agit plus d’un comprendre, d’une
lecture mais d’une écoute, d’une communion, non plus nécessairement avec lui[32],
mais avec « un vide d’après plénitude, en dépassement du monde. »[33]
1: Roger Munier ,
Mélancolie, Paris, le Nyctalope, 1987,
2: Charles
BAUDELAIRE , les fleurs du mal :
Spleen et idéal, un Fantôme , les ténèbres.
3: Michèle
GENNART, La disposition affective chez Heidegger, dans " Le
CONTACT", Textes
colléctés par Jacques schotte aux
éditions De Boeck.1990
4: Jacques
HASSOUN, La cruauté mélancolique , Aubier psychanalyse 1995
5: Jean
BAUDRILLARD, Cool Memories 1980 - 1985 , Galilée 1987
6: Ludwig
BINSWANGER, Mélancolie et Manie, P.U.F., 1960-1987
7: René DIGO , De
l'ennui à la mélancolie, Privat 1979
8: CIORAN, Le
livre des leurres, Arcades-Gallimard, 1992
9: Henry
MALDINEY, L'art, éclair de l'être, éd. Comp'act, 1992
10: Edmund
HUSSERL, la terre ne se meut pas, Ed. Minuit
11: Erwin STRAUS, Du
sens des sens, Millon, 1935-1989
12: Henri Ey, manuel
de psychiatrie, 1978
13: Hubertus
TELLENBACH, Mélancolie, P.U.F. 1979
14: Henri
MALDINEY, Penser l'homme et la folie, Millon, 1991
15: Wolgang
BLANKENBURG, La perte de l'évidence naturelle, P.U.F. 1971-1991
16: Frans VELDMAN, Haptonomie, science de
l'affectivité, chez P.U.F., 1989
17: André LALANDE, Vovabulaire de la
philosophie, P.U.F. 1926 * 1988
18: Edmund HUSSERL, Idées
directrices pour une phénoménologie, TEL Gallimard 1913 * 1950
19: Jan PATOCKA, Qu'est
ce que la phénoménologie ?, Millon,1988
20: Francis PONGE, La fabrique du pré, Les
sentiers de la création, Skira, 1971
[1] : Henri
MALDINEY, La poésie d'André du Bouchet ou
la genèse spontanée, Compar(a)ison 2 - 1999, page 9
[2] :
"L'essence du Dasein tient dans son existence" Martin
HEIDEGGER, Être et Temps,1927 Gallimard, 1996, page 73. Dasein ne
signifie donc pas être-là-devant comme un objet est dans une vitrine. Il n'est
pas réduit à une série de prédicats mais "se détermine comme étant chaque
fois à partir d'une possibilité qu'il est" (page 75) , une possibilité
qu'il ne reçoit pas d'ailleurs mais qu'il a à exister. Dans un premier temps,
le Dasein vit dans une indifférenciation quotidienne de laquelle il doit
s'arracher pour s'ouvrir au monde. "Que signifie existence dans Être et
Temps ? Le mot désigne un mode de l'Être, à savoir l'Être de cet étant qui se tient ouvert pour
l'ouverture de l'Être, dans laquelle il se tient, tandis qu'il la soutient…
"L'homme existe" signifie l'homme est cet étant dont l'être est
signalé dans l'Être, à partir de l'Être, par l'in-stance maintenue ouverte dans le décèlement de l'Être." M. HEIDEGGER, Qu'est-ce que la métaphysique ?
[3] :
Rainer Maria RILKE, Huitième élégie de Duino, 1929, “Immer ist es Welt und niemals Nirgends ohne
Nicht : das Reine, Unüberwachte, das man atmet, unendlich weiss und nicht
begehrt“ Ed.Points 1972 page 74-75
[4] : Henri MALDINEY, Ouvrir le Rien, l’art nu, Encre Marine, 2000, page 447
[5] : Chaque extrait de cette entrevue, enregistrée à
Vézelin en septembre 2001, sera transcrit en italique. L’auteur les a relus et
corrigés.
[6] :
Pour saisir toute l'importance de ce terme, nous vous renvoyons au Yi-King, le livre des mutations. Un témoin des plus anciens de la pensée
humaine. « Le Yi évoque la mutation comme un processus spontané, inhérent
à la nature même des objets et des phénomènes, à leur cours naturel, processus
qui repose sur l’alternance des opposés, l’idée fondamentale étant celle de la
facilité et de la spontanéité » Jean CHOAN in Introduction au Yi-King. Ed. Du Rocher, 1983 page 14.
« La mutation
atteint les formes assumées par l’Être sans toucher à son mystère
foncier » Etienne PERROT in Yi-King,
Médicis, 1973 , page XXX
"Le vide
médian procède du Vide originel dont il tire son pouvoir. Il est nécessaire au
fonctionnement harmonieux du couple Yin-Yang : c'est lui qui attire et entraîne
les deux souffles vitaux dans le processus du devenir réciproque (mutation). Sans lui, le Yin et le Yang, se
trouveraient dans une relation d'opposition figée ; Le Vide médian qui réside
au sein du couple Yin-yang réside également au cœur de toute chose, y
insufflant souffle et vie. Il maintient toutes choses en relation avec le Vide
suprême, leur permettant d'accéder à la transformation (mutation) interne et à
l'unité harmonisante" François CHENG, Vide
et Plein, Ed.Points, 1991, page 59 et svtes
Henri Maldiney
définit la mutation comme" une
substitution intégrale réciproque des opposés. Une mutation est un change
mutuel. Ainsi, noir et blanc se transformant tous les deux l’un par l’autre, en
une même perspective d’éclat. » " Ce vide médian révèle alors le
grand vide où s'effectue la mutation, le changement mutuel des deux aires
opposées, au lieu même de leur naissance. L'étant se versant en lui-même, là où
il s'origine, apparaît, tel qu'en lui-même, dans l'acuité de sa dimension
d'être." Henri MALDINEY, L'irréductible, Epokhè 3, Millon, 1993,
page 41
[7] : Martin HEIDEGGER, Essais et Conférence, 1954, Ed. Gallimard, 1985., page 76
« Entrer dans le sens (Sinn) , tel est l’être de la méditation
(Besinnung). Ceci veut dire plus que de rendre simplement conscient de quelque
chose…La méditation est l’abandon à « Ce qui mérite qu’on
interroge ».
[8] :
Jean BAZAINE cité par Henri Maldiney in
L’art, éclair de l’être, Ed.Comp’Act.
1993. Page 325
[9] :
Henri MALDINEY, Ibidem
[10] : Victor
von WEIZSAECKER, Le cycle de la structure, page 220
[11] :
Voir note 4 en bas de la page 2
[12] :
Henri MALDINEY, Existence, Crise
et Création, Encre Marine, 2001, page 76-77
[13] : Emil
STAIGER, Les concepts fondamentaux de la
poétique, Leber-Hosmann, 1990, page 131
[14] :
Henri MALDINEY, Ibidem, page 78
[15] : Ibidem, page 79
[16] : Henri MALDINEY cité par Gisela Pankow in Structure familiale et psychose,
Chapitre VI : La dynamique de l’espace et le temps vécu. Aubier Montaigne.
1977. Page 171. Article repris également
dans Présent à Henri Maldiney, Age
d’homme, 1973, page 185
[17] : « Une phénoménologie n'invente pas
son objet mais doit le rencontrer là où il est, découvrir le sol phénoménal sur
lequel il se laisse apercevoir » Henri MALDINEY, L’art, l’éclair de l’être, Comp’Act, 1993, page 316
[18] : Pour être témoin, il faut être sur des
lieux où l'événement se produit. Un événement est une déchirure dans la trame
du neutre. Au jour de cette déchirure s’ouvre une rencontre. Henri MALDINEY,
L’art, l’éclair de l’être, Op.Cit., page 341
[19] : Henri MALDINEY, Penser l’homme et la folie, Millon, 1991, page 315
[20] : Henri MALDINEY, Le sens de l’Art-thérapie, Revue Empan, N°42, 2001, page 13
[21] : Henri MALDINEY, L’irréductible, in L’irréductible, Epokhè 3, Millon, 1993. Page 44
[22] : La transcendance vers le monde n’est pas
[23] : Martin HEIDEGGER, Questions I , Gallimard, 1968 Page 106-107
[24] : Martin HEIDEGGER, Sein und Zeit ,
[25] : non
pas vital mais existential précise le Pr. Maldiney
[26] : Eugène MINKOWSKI, Le temps vécu, 1933,Quadrige PUF,1995, page 38 à 59
[27] : Henri MALDINEY, Art, l’éclair de l’être, Op.Cit., page 22
[28] : Henri MALDINEY, Ouvrir le rien, l’art nu, Encre Marine, 2000, page 35
[29] : Ibidem, page 428
[30] : Henri MALDINEY, Regard, Parole, Espace, 1973,
Âge d’homme, page 209
[31] : Henri MALDINEY, in Résister, Encre Marine,2001.
[32] : Un soir, le Pr. Maldiney proféra ces
propos qui, depuis, toujours m'interrogent : « Même Dieu doit pouvoir se retirer sans laisser de trace. » Il
vient un moment où l’autre ne me frappe plus d’impouvoir. La quête n’est plus
celle de l’avoir, de la reconnaissance, du comprendre. Elle s’évanouit, devient
sérénité.
[33] : Henri MALDINEY, Ouvrir le rien, l’art nu, Op.Cit. , page 122